Chère industrie du smartphone, je pense qu’il est temps que nous ayons une franche discussion autour de l’un des principes fondamentaux de cette activité. Parlons de « l’innovation ».

Maintenant que le monde a ralenti, j’ai trouvé un peu de temps pour réfléchir aux interrogations qui entourent ce mot en vogue. Et pour être honnête, nous nous trompons même sur ces questions initiales. Faut-il vraiment se demander comment nous innovons et quel projet est la dernière innovation disruptive, ou devrions-nous commencer à nous demander pourquoi nous poursuivons ces objectifs et à quel niveau ?

Ces dernières années, nous avons connu « l’innovation » dans sa forme littérale et matérielle, tandis que le rythme des révélations et des sorties devenait de plus en plus effréné.

La succession rapide de ces innovations nous a mené au point où le prochain “grand truc” est toujours à deux doigts d’arriver, mais ne surprend que rarement. La course aux écrans sans bords, aux lecteurs d’empreintes digitales intégrés à l’écran et au nombre d’appareils photo à l’arrière bat son plein. Ne vous méprenez pas. Je vois l’attrait de beaucoup de ces améliorations matérielles – mais l’amélioration fonctionnelle entre les produits phares est-elle suffisamment importante pour justifier le fait de traiter les smartphones comme une marchandise jetable ?

Prenons le terme « innovation » et faisons-le passer de la fourchette des 100 mégapixels jusqu’à un niveau plus large de l’entreprise. Pendant que j’étais coincé à la maison, je me suis mis au jardinage, alors pardonnez ma référence aux légumes, mais imaginez une entreprise comme un oignon. La couche extérieure ou la surface serait la communication – la façon dont les marques s’expriment. Enlevez une couche, et vous trouvez le marketing – celui des services, des promotions, des prix et des produits fabriqués par l’entreprise. Au-delà se trouve le cœur, sur lequel tout le reste est construit – les valeurs, la culture, les processus et les mécanismes de l’entreprise. Cessons de considérer l’innovation comme un engagement superficiel. Pour toutes les entreprises, l’innovation doit être plus profonde ; pas de gestes symboliques au niveau de la couche extérieure, mais un recadrage fondamental de l’entreprise à partir de son cœur-même.

Bas van Abel partage l’histoire d’origine de Fairphone à TED x Amsterdam.

Fairphone veut remettre en question les idées reçues sur ce qui est bien, ce qui est normal et ce qui est possible. En présentant des solutions, en invitant l’industrie à adopter ces solutions et en donnant le choix aux consommateurs, Fairphone cherche à se transformer d’abord soi-même, puis l’industrie électronique et enfin l’ensemble de l’économie de consommation.

Les personnes qui sont employées chez nous, qui nous financent et qui nous soutiennent sont convaincues qu’une économie équitable et circulaire n’est pas seulement possible, mais qu’elle est essentielle.

Et elle se construit aujourd’hui. Ce n’est pas trop tôt, car la technologie va engendrer de vastes et profonds changements. Le monde dans lequel nous pensons d’abord aux supports mobiles (le mobile-first) n’est pas encore vraiment arrivé. Le problème est que la construction d’un nouveau smartphone, et plus précisément l’extraction des matériaux rares qu’il contient, représente 85 % à 95 % des émissions totales de CO2 de l’appareil pendant deux ans. Cela signifie que l’achat d’un nouveau téléphone consomme autant d’énergie que le fait de charger et de faire fonctionner un smartphone pendant une décennie entière. Mais la tendance qui se dessine dans les coulisses de cette industrie semble contre-intuitive : Plus les smartphones sont devenus similaires, plus on nous dit qu’ils sont différents – et cela fonctionne toujours pour les géants de la technologie. Les sites Internet sur la technologie comparent et classent avec rigueur les données sur les différences, pour lesquelles il faut être un expert pour décrire dans quelle mesure les effets produits sont réellement « différents ».

On nous demande de prêter attention à des changements progressifs alors que la valeur d’usage des smartphones est très similaire. Une grande partie de ce qui est vendu comme un avantage matériel est en réalité psychologique. Ou dit autrement, les caractéristiques techniques ne sont pas le facteur déterminant que vous voudriez qu’elles soient. Plutôt que d’être obsédé par les petits détails qui distinguent encore les smartphones, il serait plus honnête de dire que la plupart des smartphones sont désormais identiques. Les grands lancements de produits tentent de cacher un élément essentiel : il n’y a pratiquement aucune innovation au niveau technologique. Le smartphone de 2020 est quasiment le même qu’en 2019. C’est une bonne chose. Cela signifie que, si vous avez un smartphone qui fonctionne, vous pouvez très bien ignorer tout le discours sur l’innovation pendant un certain temps et le garder.

C’est vrai, le téléphone le plus durable est celui que vous possédez déjà.
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